Sara Valeri

Doctorante en science politique

Avec plaisir. Je m’appelle Sara Valeri, je suis doctorante en sociologie politique à Sciences Po Bordeaux et je travaille en co-direction avec Andy Smith (du Centre Émile Durkheim) et Didier Georgakakis (du Centre européen de sociologie et de science politique). Ma recherche porte sur l’action publique européenne en matière d’armement depuis les années 1990 jusqu’à nos jours, que j’analyse via une approche sociologique par champ. Je suis native de Paris, mais j’ai heureusement une famille assez cosmopolite avec des origines italienne, belge, colombienne et albanaise !

J’ai découvert la sociologie politique assez récemment puisqu’à l’origine, j’ai plutôt une formation d’angliciste et de diplomate européen. Comme mon père et mon frère vivaient à l’étranger, j’ai eu la chance de pas mal voyager dans mon enfance, ce qui fait que j’ai rapidement développé un enthousiasme épidermique pour les cours de langue, en particulier d’anglais et d’espagnol. J’ai donc passé un bac L spécialité Anglais avec option Espagnol et Grec ancien (la totale !) et je me suis dirigée ensuite vers une classe préparatoire littéraire spécialité Anglais. C’est en prépa que j’ai commencé à me prendre de passion pour l’Europe en tant qu’objet de recherche historique, philosophique, géopolitique, linguistique... En 2016, j’ai été acceptée à la fois à la London School of Economics à Londres (Bachelor Science Politique) et au Département des Langues de l’ENS Paris-Saclay à Cachan. J’ai choisi d’aller à l’ENS pour des raisons économiques et sociales assez évidentes, mais je n’ai jamais perdu mon envie de faire de la science politique et des études européennes. A l’issue de ma première année, j’ai donc décidé de faire un échange au Département de Science Politique de la New York University et en parallèle, j’ai fait un stage de quelques mois à la Délégation de l’UE auprès des Nations Unies. Je passais le plus clair de mon temps entre la bibliothèque et le Conseil de Sécurité de l’ONU, en plein cœur du conflit syrien, ce qui n’était pas gai tous les jours... A posteriori, je crois que cette expérience a suscité chez moi à la fois de la désillusion sur nos capacités d’action, et de la détermination à changer les choses. Quand je suis rentrée en France, j’ai annoncé à mon Département que je ne souhaitais pas préparer l’agrégation d’anglais et que je préférais faire un Master de recherche en affaires publiques européennes à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne. C’est là que j’ai découvert la sociologie politique, par le prisme européen, et grâce à une équipe d’enseignant-chercheurs passionnés et passionnants. A force d’étudier ces gens qui « font l’Europe », j’ai voulu en être ! L’année d’après, j’étais en formation au Collège d’Europe à Bruges, dans l’idée de m’orienter vers la diplomatie européenne. J’ai finalement terminé l’année par une demande de financements pour une thèse... 

J’associe la recherche à cette sensation d’épiphanie (j’adore ce mot !) que j’avais quand j’étais plus jeune et que je travaillais sur mes commentaires de texte. Que ce soit de la littérature française, anglaise ou espagnole, j’avais toujours le même rituel : je couvrais de post-its et de dessins les murs de ma chambre, je les observais longtemps, et puis à un moment, je finissais par crier eurêka et je courais trouver ma mère pour lui dire ce que j’avais trouvé ! Tout ça pour dire que j’ai toujours aimé ce moment où tu peux enfin percevoir un lien entre des éléments apparemment disparates, parce que tu as suivi un fil créatif qui n’appartenait qu’à toi et que tu as su le remonter jusqu’à la source. Et dans le processus, il y a toute cette part d’introspection et de partage que j’aime et qui m’anime encore aujourd’hui. J’ai d’ailleurs la chance d’être dirigée et entourée par des chercheurs qui ont ce sens aigu de l’auto-critique, de la pédagogie et du partage, et grâce à qui je peux envisager le doctorat comme une expérience à part entière, qui m’en apprend tout autant sur moi-même que sur mon objet. Je pense que je fais de la recherche pour cette double-raison : à la fois produire et partager du savoir, mais aussi me questionner, me bouger. Je ne perds pas de vue la possibilité de revenir à plus ou moins long terme à une activité de praticienne qui soit liée à l’UE ou aux organisations internationales (ce que n’empêche pas le doctorat, au contraire !), mais je crois que j’avais d’abord besoin de comprendre la machine, éventuellement de la critiquer, et de voir quel pourrait être mon positionnement dessus. 

J’ai commencé à m’intéresser aux problématiques de défense et d’armement de manière indirecte, dans une période où beaucoup de discours politico-médiatiques évoquaient une « relance de l’Europe de la défense », ce qui me semblait de prime abord assez paradoxal compte-tenu de l’euro-scepticisme ambiant et du projet de paix qu’était censé représenter l’Europe. Et puis j’ai suivi le fil de cette énigme... Dans mes travaux de thèse, je m’intéresse plus spécifiquement aux modes d’intervention publique que l’Union européenne met en place en matière d’armement depuis 1996. Je cherche à comprendre quelles ont été leurs conditions de possibilité d’un point de vue sociologique, en mobilisant une approche par champ héritée de la sociologie bourdieusienne et appliquée à l’action publique européenne et à l’économie politique. En gros, qui lutte contre qui et pour avancer quoi ? C’est un sujet très intéressant parce qu’il mêle des mondes qui se rencontrent et se tolèrent difficilement : d’un côté, le monde militaire et industriel qui reste le plus souvent lié à la souveraineté nationale et compose difficilement avec l’échelon européen ; et de l’autre, celui de la fabrique de politiques européennes, dans son aspect le moins exceptionnel et le plus routinier. Un entre-deux qui rend mon objet difficile à attraper (« inexistant » ont pu dire certains !), et pourtant fascinant. Il devient d’autant plus nécessaire à traiter depuis que l’intensification du conflit ukrainien a mis au jour certaines recompositions des logiques d’action au sein de l’UE, notamment dans le domaine industriel de défense. 

Je suis passionnée par les arts vivants, en particulier par la danse et le théâtre que je pratique depuis toute petite en parallèle de mes études. En 2022, j’ai décidé de prendre une année de césure dans mon doctorat (la première dans toute ma scolarité !) pour mener à bien un projet d’écriture et de mise-en-scène qui me tenait à cœur, et qui a abouti à une programmation en salles parisiennes dans le cadre d’un festival jeunes créations. C’est une expérience qui m’a énormément nourrie et qui m’inspire aujourd’hui de nouveaux projets d’écriture liés à la démarche sociologique/documentaire et à l’Europe (qu’on voit souvent représentée de manière univoque au théâtre et au cinéma). A l’avenir, j’aimerais aussi prendre le temps d’approfondir mes connaissances des politiques de coordination culturelle dans l’UE. J’enseigne aussi ponctuellement en tant que chargée de TD à Paris, et j’aime beaucoup ça ! Ça m’oblige à clarifier ma pensée, être à la page, et ça me donne un objectif très concret dans les moments où je perds le sens de ce que fais — ce qui est malheureusement assez commun chez beaucoup de doctorants, et j’en profite d’ailleurs pour remercier le Centre Émile Durkheim pour l’attention particulière qu’il porte sur cette question, et plus généralement pour son accueil et la qualité de l’encadrement doctoral qu’on y trouve !


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Publié le 22 mars 2024
Dernière modification le 22 mars 2024