BENJAMIN BÜRBAUMER
Maître de conférences en sciences économiques à Sciences Po Bordeaux et chercheur au Centre Émile Durkheim
Quel est ton parcours et comment es-tu devenu enseignant-chercheur ?
J’ai depuis longtemps un goût pour les sciences sociales. Je me suis donc retrouvé à faire mes études à Sciences Po Paris. Et puisque l’international m’a toujours attiré, j’ai choisi d’y suivre les cours en quatre langues et d’étudier l’économie et la politique mondiales. Dans un premier temps, ces préoccupations m’ont conduit à obtenir un diplôme de master en relations internationales. Mais mon mémoire de master m’a laissé un sentiment d’inachevé : je n’avais pas pu suffisamment traiter la dimension économique, qui me semblait pourtant bien présente dans les relations internationales.
C’est la raison pour laquelle ensuite j’ai réalisé une
thèse en sciences économiques à l’Université Sorbonne Paris Nord. Mon laboratoire, le CEPN, était un lieu extrêmement stimulant, qui donnait très envie de faire de la recherche. Après ma thèse, j’ai travaillé en dehors du monde universitaire, en tant que conseiller économique et avec une fiche de poste de juriste mais cette envie de recherche ne m’a jamais quitté. Je suis donc particulièrement heureux d’intégrer le CED, d’autant plus qu’il s’agit un lieu où on pense l’articulation de l’économie et de la politique.
Quels sont tes objets de recherche ? Sur quoi travailles-tu ?
J’ai en quelque sorte deux piliers. Le premier, plus
technique, concerne la manière dont les réglementations et normes de produit et de production, qui peuvent différer d’un pays à l’autre, influencent les transactions commerciales internationales et les politiques commerciales. Typiquement, si un producteur de voitures veut exporter, il doit d’abord se renseigner sur les régulations techniques en vigueur de son marché ciblé. Car, par exemple, la forme du rétroviseur autorisé sur son marché domestique n’est très probablement pas la même dans d’autres pays. Cela génère des coûts, et cela motive les entreprises à s’impliquer lors des négociations de traités commerciaux.
Le deuxième, c’est la rivalité sino-américaine que j’essaie de comprendre à partir d’une perspective d’économie politique internationale. Il s’agit de mon projet principal, qui sera la préoccupation centrale des années à venir. Si apprécie l’analyse très détaillée d’un sujet, comme celui des normes techniques, j’ai également pour ambition d’essayer de comprendre l’économie mondiale à une échelle plus générale et de ne pas la couper des décisions politiques. C'est à cette ambition que répond mon deuxième pilier.
Enfin, il y a un objet un peu transversal, qui est
présent dans les deux piliers, à savoir le rapport que l’État entretient avec le marché. Dans cette optique, je m’intéresse également aux finances publiques.
Peux-tu nous parler de ton quotidien d’enseignant-chercheur ?
En ce moment, la dimension enseignant prime
clairement. Etant très attaché à un enseignement
de qualité, je passe beaucoup de temps à préparer mes cours. Néanmoins, comme ces derniers portent avant tout sur les différents aspects de l’économie internationale, je me réjouis de pouvoir les enrichir à partir de mon activité de chercheur.
En tant que chercheur, j’ai dernièrement passé un
certain temps à élaborer une série longue sur les
recettes et les dépenses de l’État, depuis les années 50. En effet, je me suis aperçu, à ma grande surprise, qu'il n’existe pas de base de données homogénéisée sur les finances publiques. Il fallait donc la construire avant de pouvoir démarrer l’analyse. C’était donc un travail d’archives qui a beaucoup usé le pavé numérique de mon ordinateur.
Comme je suis encore plutôt au début de mon
projet sur les rapports entre les États-Unis et la
Chine, mon agenda est également rempli par la
lecture et l’analyse de recherches sur ce sujet.
Mais, évidemment, je ne résiste pas à la tentation
d’explorer les données primaires. Le China Statistical Yearbook, qui n’est pas exactement une source que je qualifierais de « user friendly », est malgré tout devenu un passe-temps que j’apprécie.
"En ce moment, la dimension enseignant prime clairement. Etant très attaché à un enseignement de qualité, je passe beaucoup de temps à préparer mes cours. Néanmoins, comme ces derniers portent avant tout sur les différents aspects de l’économie internationale, je me réjouis de pouvoir les enrichir à partir de mon activité de chercheur.
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
La rivalité sino-américaine étant plutôt un sujet
conséquent, je pense qu’il va m’occuper pendant
un certain nombre d’années. Plus précisément, mon attention ne porte pas seulement sur les transactions économiques entre les deux rives du Pacifique. Il ne faut pas négliger ces aspects, mais j’émets l’hypothèse que les événements qui se déroulent sous nos yeux indiquent une transformation plus profonde.
Je m’intéresse donc aussi et surtout aux tentatives
de la Chine et des États-Unis de créer de nouvelles
infrastructures, qui façonneront durablement les
flux de marchandises et de capitaux, et les tensions politiques qui peuvent en découler. L’idée sous-jacente de ce projet est de questionner si l’ordre (économique) mondial est actuellement déstabilisé en raison de ses propres contradictions. En suivant cette hypothèse, les mêmes forces qui ont fait naître la mondialisation seraient aussi à l’œuvre maintenant, mais en produisant les effets opposés.
Et en dehors de la recherche ?
Je dois reconnaître un côté « geek », la recherche
et les bases de données me passionnent, donc parfois le travail déborde. Mais j’aime beaucoup aussi m’aérer l’esprit dans la nature, de préférence dans la montagne, à pied, à vélo.
**en savoir plus sur Benjamin Bürbaumer, consulter sa page personnelle ici