Axe de recherche Sociologies de l’international

Mobilités internationales sous contrôle : comparaisons intercontinentales

Responsables : Anthony Amicelle, Andy Smith, Emma Empociello, Tiago Pires Da Cruz

Dès les années 1980, différentes crises transnationales, ont à leurs façons déstabilisé l’hégémonie de l’organisation et de la régulation « supranationales » de l’activité sociale. Parmi celles-ci, nous retiendrons les crises récentes liées au Covid-19 mais aussi celle du manque de coordination dans l’accueil des migrants ou encore les crises économiques à répétition. Au fil de ces crises, une revendication de plus en plus récurrente de « relocalisation(s) » économiques et politiques s’est organisée. Partant de ce constat empirique, nous souhaitons investir deux pistes au sein de l’axe. D’abord, les contradictions que les diverses supranationalisations de nos économies et de nos sociétés ont pu produire. Et, dans le sens inverse, les nouvelles formes institutionnelles et organisationnelles en faveur de relocalisation(s). Pour reprendre l’exemple récent de la pandémie du Covid-19, l’événement sanitaire a renforcé à lui seul les contradictions et nouvelles formes de localisations. En effet, même les partisans traditionnels d’un libéralisme international ont revendiqué la nécessité de renationalisation et d’une relocalisation de la production pour pallier aux risques potentiels de l’économie mondialisée dont la pénurie de masques, et celle de main-d’œuvre dans le secteur agricole ne sont que des exemples. Cette crise a aussi rendu plus systématique la nécessité de penser un modèle de société plus écologique et de s’opposer au productivisme international et aux régimes d’accumulation. 

Mais, aujourd’hui, c’est sans doute autour de « la crise migratoire » que la recherche a pu mettre en évidence le plus clairement la tension entre supranationalisations et relocalisations. Si cette crise a accentué les fermetures au niveau des États-nations et multiplié les restrictions d’installation renforçant ainsi la perception du nouvel arrivant comme danger, depuis plusieurs années, des recherches mettent en évidence une localisation des dispositifs d’accueil et d’intégration. La controverse scientifique sur ce point nous aide à repenser les manières d’étudier le rapport des sociétés de réception à l’altérité. En particulier, la production des normes, valeurs et pratiques de l’accueil fait désormais l’objet d’une réflexion multiniveaux et multiacteurs, intégrant le poids des circulations institutionnelles transnationales, comme celles issues des réseaux de ville solidaires par exemple. En effet, les façons dont les sociétés définissent leurs modalités d’accueil et d’intégration ne peuvent ainsi plus être analysées comme relatives à une seule dépendance aux sentiers historiques. Celles-ci s’inscrivent dans des luttes définitionnelles impliquant une diversité d’acteurs au sein, mais aussi entre niveaux institutionnels (local, régional, national, supranational), et dépendent aussi des degrés d’autonomie de chacun de ces niveaux en fonction des espaces. Leurs analyses demandent donc à être approfondies. À terme, la recherche pourrait alors mettre en avant les enjeux contemporains qui s’y jouent et les valeurs qui s’y disputent.

Ces quelques éléments concernant l’immigration nous encouragent à développer une réflexion générale sur les tensions qu’impliquent le « supranational » en tant que discours et pratiques sociales sur l’expérience des acteurs sociaux contemporains. Après avoir cherché à dépasser les dichotomies théoriques présentes en sciences sociales ces dernières années, notamment à travers la présentation de travaux pluridisciplinaires mais aussi via la production de savoirs originaux issus de la synthèse de ces présentations, ce nouveau projet de l’axe Sociologies de l’international investit davantage les contradictions empiriques produites par la « supranationalisation », en répondant aux questionnements suivants : Comment se matérialisent les tensions entre « supranationalisation(s) » et « relocalisation(s) » ? Quels compromis ou modèles hybrides sont adoptés par les acteurs ? De quelles façons les niveaux institutionnels qui structurent nos espaces sociaux (supranational, national, territorial, municipal…) et les expériences des acteurs s’adaptent, se solidifient, se transforment ou se confrontent ? Quelles sont les prises de positions effectives ? Aussi, quelles représentations du monde et quels symboles légitiment ces positions ? Finalement dans cette réalité conflictuelle, que veut dire faire une sociologie de l’international ? Ce projet vise à intégrer une grande partie des travaux des membres de l’axe dans une réflexion commune et transversale. Les futurs séminaires seront ainsi organisés dans la continuité des travaux précédents, notamment sur le concept de circulation, tout en les réorientant vers la question plus précise du rapport entre les supranationalisations et les relocalisations. Que cela soit dans la circulation des objets (protectionnisme vs mondialisation), des personnes (valeurs sécuritaires vs valeurs solidaires/égalitaires), des normes (internationales, Européennes, nationales…) ou des savoirs (locaux, transnationaux), se concentrer directement sur cette tension entre supranationalisation et localisations nous permettra de préciser la valeur historique du concept. Il importe de pouvoir décrire comment chaque circulation étudiée émerge, s’institutionnalise, se légitime ou est contestée, mais selon la nouvelle réorientation de l’axe, le défi principal sera d’expliciter les compromis régulateurs qui en ressortent, ainsi que de leurs effets multiples.

L’avantage de cette approche est son potentiel à faire discuter une multitude d’objets et de méthodes afin de mobiliser les travaux des membres de l’axe, tout en assurant leur dépassement par la production d’une problématique commune. Ce projet prend également acte des thématiques abordées et des avancées de nos recherches au cours des dernières années en revendiquant une cohérence et une continuité.

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