Les dynamiques de l’intégration. Associations d’aide aux migrants et sociétés au coeur des espaces français, espagnol, et danois

La thèse en bref

Doctorant.e : Morgan Lans Directeur.trice de thèse : Xabier Itçaina Année de début : Discipline : Sociologie

Thèse soutenue le 17 mars 2022

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Cette thèse traite de la façon dont se conçoivent les modalités d’intégration des émigrés/immigrés et le rapport légitime qui se déploient à leur égard dans les espaces français, espagnol et danois. Alors que les recherches classiques se sont concentrées sur les « pensées d’Etat » pour saisir les manières de faire et d’imaginer ces processus, nous avons mené une enquête qualitative, comparée et approfondie auprès d’une dizaine d’associations d’aide aux migrants, agissant dans des contextes locaux (Bordeaux, Bilbao et Aarhus), afin d’analyser les dynamiques sociétales qui les structurent. À Bordeaux, les associations s’inscrivent dans la continuité d’une logique civique des modalités d’intégration étatique en mettant l’accent sur la question du droit et en défendant la figure de l’individu-citoyen. L’examen de leurs activités montre quelles sont les derniers bastions d’un idéal républicain, dans la mesure où elles considèrent que l’Etat n’est plus en accord avec les valeurs qu’il prône et les réalités multiculturelles auxquelles il répond. En ce sens, les associations françaises refusent les démarches assimilationnistes pour revendiquer l’émergence d’un interculturalisme républicain. À Bilbao, les acteurs associatifs sont les principaux garants du soutien aux étrangers. Ils interviennent au même titre qu’ils le font auprès des plus exclus de la société basque, selon une logique intégrale reconnaissante de l’entièreté, ainsi que de la particularité, de chaque personne et ses problèmes. D’une manière générale, leurs activités sont pensées dans un cadre local et de façon pragmatique. Dans une logique de coopération-conflictuelle avec les autorités publiques, elles défendent par ailleurs l’idéal d’une société interculturelle reconnaissante de son pluralisme inhérent. À Aarhus, les associations agissent dans la continuité d’un imaginaire ethnique de la citoyenneté étatique, tout en défendant des postures universalistes. Elles estiment ainsi qu’il importe de maintenir les fondements d’une spécificité danoise. Dans une logique de coopération avec les pouvoirs publics, elles cherchent donc à la diffuser auprès des nouveaux arrivants. Toutefois, elles résistent sur le terrain à la logique d’exclusion promue par l’Etat, en mettant en œuvre un accueil bienveillant, considérant en dernière instance les étrangers comme des Danois à en devenir. Nos résultats montrent que les dynamiques d’intégration résultent de la façon d’agir, de penser, de ressentir, ainsi que de s’organiser, d’acteurs encastrés dans des configurations sociohistoriques cohérentes, animées par des logiques de stratifications spatiales, de protection sociale, ainsi que de cultures civico-politiques, productrices d’interdépendances sectorielles particulières. Elles ne se limitent donc pas à des « pensées d’Etat ». Par conséquent, les comparaisons portant sur la fabrique des modalités d’intégration, doivent prendre en compte la force déterminante des cohérences sociétales qui produisent, à partir de ce qu’elles sont, certaines régularités dans le rapport aux « autres ». Il serait pertinent de multiplier les lieux d’enquête afin d’affiner nos connaissances sur les mécanismes que nous avons mis en avant dans ce travail. Par ailleurs, il conviendrait d’étudier de manière plus approfondie les relations entre associations d’aide aux migrants et autorités publiques, en nous positionnant de façon plus systématique du côté de ces dernières. Enfin, une analyse détaillée et comparée des logiques intra-organisationnelles, interindividuelles ainsi que cognitives du rapport aux étrangers, préciserait nos connaissances des dynamiques de l’intégration.