Anna Neyrat

Anna Neyrat

Maîtresse de conférences en droit public, chercheuse au Centre Émile Durkheim et membre associée du Centre d’études et de recherches comparatives sur les Constitutions, les libertés et l’État (CERCCLE)

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Anna Neyrat, je suis maîtresse de conférences en droit public à Sciences Po Bordeaux, membre du Centre Emile Durkheim (CED) et membre associée du Centre d’études et de recherches comparatives sur les Constitutions, les libertés et l’État (CERCCLE) qui relève de l’Université de Bordeaux.

Quel est ton parcours et comment es-tu devenue enseignante-chercheuse ?

Après un bac littéraire spécialité latin, option grec, et en raison d’un attrait particulier pour les langues vivantes (tout particulièrement l’espagnol), j’ai, dans un premier temps, eu quelques hésitations au sujet de la voie que je devais emprunter. Une prépa littéraire ? Un Institut d’études politiques ? Finalement, ce fut la faculté de droit à Bordeaux. J’avais besoin d’une certaine autonomie et l’université me paraissait le meilleur choix pour cela. Je ne connaissais rien au droit (j’avais seulement une représentation un peu mythifiée de la justice -et en particulier de la justice pénale, comme beaucoup de jeunes qui choisissaient les études de droit) mais cela m’attirait. Parallèlement, je m’étais inscrite en Licence d’espagnol pour satisfaire la littéraire que je restais. J’ai néanmoins dû renoncer assez rapidement à mener de front ces deux formations, pour des raisons d’emploi du temps. Rapidement, l’appel de l’étranger s’est forcément fait sentir et je suis partie effectuer ma L3 en Espagne, à l’Université de Valladolid, dans le cadre d’un échange Erasmus. Cette année a été déterminante pour la suite de mon parcours. A mon retour d’Espagne, j’ai choisi de me spécialiser en droit public et plus particulièrement en droit administratif, puis d’entamer une thèse à l’issue de mon M2. J’avais eu des formes d’initiation à la recherche entre la L3 et le M2 et ces premières expériences de recherche m’avaient beaucoup plu. Pour ma thèse, j’ai me suis engagée, sans surprise, dans un sujet en droit comparé franco-espagnol. Je l’ai finalement soutenue en 2016 et j’ai eu un premier poste en 2017, en tant qu’enseignante-chercheuse contractuelle, à l’Université Bretagne-Sud à Vannes. L’année d’après, j’ai obtenu cette fois un poste de maîtresse de conférences à l’Université Paul Valéry Montpellier 3 et je suis finalement arrivée, par la voie de la mutation, à Sciences Po Bordeaux en septembre 2020.

Quels sont tes objets de recherche ? Sur quoi travailles-tu ?

J’ai des objets de recherche assez différents (ayant un côté un peu « touche-à-tout »), pour peu que cela reste dans le champ du droit administratif.

Une première source d’intérêt est d’abord le droit administratif espagnol, et particulièrement son histoire et sa pensée juridique. Cet attrait pour les études historiques et doctrinales en droit administratif concerne également le droit français (mon sujet de thèse portait en effet sur le rapport du droit administratif national aux droits administratifs étrangers, en comparant de ce point de vue la France et l’Espagne. Le choix de ce sujet était parti d’un présupposé, celui d’un droit administratif français qui se présente comme un modèle, exportant ses solutions, et d’un droit administratif espagnol caractérisé par son ouverture sur les droits étrangers, important des solutions juridiques venues d’ailleurs. Ces deux droits semblaient donc, à première vue, représenter les idéaux types opposés de la relation qu’entretient un droit administratif national avec ses homologues étrangers. C’est cette différence qui avait attisé ma curiosité. Pour mener cette analyse, j’ai fait le choix de me centrer sur le droit national en étudiant son rapport aux droits étrangers, angle de vue certes inhabituel dans les études de science juridique qui analysent généralement les rapports entre les droits (de hiérarchie ou de primauté), mais pourtant familier aux sciences humaines et sociales (les rapports à la culture, à l’éducation, ou à l’étranger, ont ainsi fait l’objet d’études en sociologie, en science de l’éducation, ou encore en histoire). Cette approche supposait de s’intéresser aux protagonistes du droit administratif, autrement dit, à l’ensemble des personnes qui participent à la fabrique du droit administratif, aussi bien positif que scientifique. Il s’agissait alors d’étudier leur attitude vis-à-vis des droits étrangers, d’analyser leur volonté de faire circuler les solutions de leur droit national, d’ignorer ou de prendre en compte l’exemple étranger. Une telle étude, centrée sur les discours produits entre le XIXe siècle et aujourd’hui imposait par conséquent d’avoir une acception large de ce qui constitue l’objet de la science juridique, en y incluant ce qui se situe autour du droit positif, et c’est justement ce qui me plaisait.

Un autre objet de recherche qui occupe une partie de mon temps concerne cette fois le droit des étrangers (qui régit l’entrée, le séjour, le départ forcé des étrangers mais également, en principe, leur protection). Plus particulièrement, je travaille sur la situation (au regard du droit) des mineurs non accompagnés (c’est-à-dire les mineurs de nationalité étrangère, qui sont arrivés sur le territoire français sans la personne responsable d’eux -les titulaires de l’autorité parentale, ou un représentant légal). Je suis par exemple impliquée actuellement, avec des chercheurs d’autres disciplines (en sciences de l’information et de la communication, en sociologie, en ethnologie…), dans un projet de recherche pluriannuel qui cherche à décrypter les représentations véhiculées par les discours médiatiques ainsi que par la communication publique et politique relative aux jeunes migrants isolés.

" Par ailleurs, un autre équilibre qui n’est pas toujours simple à trouver, qui plus est lorsque l’on débute sa carrière, c’est celui entre les enseignements et la recherche, mais également avec les autres tâches que l’on effectue pour l’institution, de nature plus administrative ou pédagogique.

Peux-tu nous parler de ton quotidien d’enseignante-chercheuse ?

La première chose que je souhaiterais mettre en avant, c’est que j’estime avoir de la chance d’effectuer ce métier, dont les tâches sont très diversifiées (ne serait-ce que pour celles relevant de l’enseignement et de la recherche) et qui offre une grande liberté et une grande indépendance. Par ailleurs, c’est un métier qui me permet de satisfaire une certaine soif d’apprendre encore et toujours (récemment, pour faire un commentaire d’une décision de justice rendue en 1960, en redonnant de la place au contexte politique et social ayant possiblement influé sur cette décision, je me suis plongée dans l’histoire de la guerre d’Algérie que je ne connaissais qu’en surface et j’y ai pris beaucoup de plaisir).

Cette très grande liberté doit néanmoins être domptée afin de trouver une équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, ce qui n’est pas toujours évident. Par ailleurs, un autre équilibre qui n’est pas toujours simple à trouver, qui plus est lorsque l’on débute sa carrière, c’est celui entre les enseignements et la recherche, mais également avec les autres tâches que l’on effectue pour l’institution, de nature plus administrative ou pédagogique.

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Du côté de la recherche, je souhaiterais continuer à travailler sur des sujets qui me passionnent et qui ont du sens pour moi et passer à moyen terme mon habilitation à diriger des recherches. Je souhaiterais également parvenir à tisser davantage de liens scientifiques avec mes collègues du CED (cela se construit progressivement) en travaillant sur des projets collectifs permettant de réunir nos différentes disciplines.

S’agissant des enseignements, j’ai la chance d’avoir eu, dès mon arrivée à Sciences Po, des cours qui me convenaient parfaitement. Je souhaite en garder un volume raisonnable afin d’avoir le temps de les améliorer d’années en années. Lorsque je sentirai que je ne parviens plus à renouveler mes enseignements, il sera peut-être temps d’en changer.

Et en dehors de la recherche ?

Les ami-e-s et la famille (ou l’inverse).
Le piano comme exutoire.
L’océan pour se ressourcer.

Propos recueillis le 4 janvier 2023.

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Publié le 19 janvier 2023
Dernière modification le 26 janvier 2023