Rémi Rouméas vient d'intégrer le Centre Emile Durkheim / Université de Bordeaux, en tant que maître de conférences en sociologie.
Rémi Rouméas
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Faisons un peu d'étymologie. Rémi signifie rameur. Rouméas est un patronyme ardéchois, qui proviendrait du mot ronce. (Pensif, visiblement déçu, il reprend) Admettons que, parfois, l'étymologie ne nous apprend pas grand-chose.
Quel est votre parcours et comment êtes-vous devenu enseignant-chercheur ?
Au lycée, à force d'imiter les choix de certains de mes frères et sœurs, j'ai fini par prendre goût à la sociologie, l'économie et la science politique, sans pour autant que cela constitue une passion au départ. Durant les trois premières années du supérieur, j'ai été particulièrement sensible aux enseignements d'un professeur - René Llored - lequel m'a transmis sa passion pour les sciences sociales et les sociologues (pour n'en citer que quelques-uns : Durkheim, Bourdieu, Becker, Goffman, Gusfield). Sans exagérer, je découvrais alors une nouvelle manière de saisir le monde qui m'entourait, en particulier la religion protestante dans laquelle j'étais enveloppé depuis mon enfance. À partir du master, à l'ENS de Lyon, j'ai eu la chance de découvrir que l'enquête de terrain me plaisait autant que de lire des sociologues. Sous la direction de Bernard Lahire, je décidai alors d'orienter mes premières recherches en sociologie du droit.
Quels sont vos objets de recherche ? Sur quoi travaillez-vous ?
Depuis 2017, mes activités de recherche sont orientées dans deux directions. D'abord, dans le cadre de ma thèse, j'ai produit une sociologie des jugements des avocats et des magistrats, à propos d'une pratique de sélection méconnue : la correctionnalisation. Il s'agit d'un tri opéré entre les affaires criminelles, qui conduit à ce qu'une partie des crimes soit requalifiée en délits - par exemple des viols jugés en tant qu'agressions sexuelles ou des vols avec arme jugés comme vols simples. Cette pratique a plus de deux siècles d'existence, mais demeure illégale et non encadrée par des critères officiels. Ma thèse, soutenue en 2023, interroge ainsi les processus de légitimation de cette pratique parmi les professions du pénal, avant d'étudier les déterminants des jugements des magistrats et des avocats sur la question de savoir si tel crime doit ou non être jugé comme tel, ou si une procédure correctionnelle leur paraît plus adéquate. Parallèlement à ma thèse, en compagnie de Léo Magnin et de Robin Basier, j'ai mené une enquête de terrain sur les polices de l'environnement, au sein d'un service de l'Office Français de la Biodiversité, pour mettre en lumière les contraintes qui pèsent sur la mise en œuvre du droit pénal de l'environnement. À partir de 2023, j'ai intégré à ces recherches l'action des tribunaux chargés de juger les infractions environnementales.
Et en dehors de la recherche ?
Une description rigoureuse de mes faits et gestes en dehors de la recherche devrait me conduire à énumérer tous les besoins élémentaires de notre espèce (prise alimentaire, absorption de liquide, sommeil, miction, etc.), que l'on aurait tort de négliger. Mais, puisque la question semble implicitement viser mes loisirs, me voilà contraint de révéler des activités qui ne surprendront pas des sociologues de la culture et des classes sociales, tant elles sont répandues dans le groupe social auquel j'appartiens : faire de l'escalade, de la musique, de la photographie, marcher en montagne ou lire des bandes dessinées. Enfin, l'une de mes passions se trouve désormais intimement mêlée à mon travail d'enseignement : produire, en compagnie des étudiant·es de master, des documentaires pour faire connaître la sociologie en dehors du monde académique.
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Propos recueillis le 24 septembre 2024