Célia Enache

Bio

Thèse en cours (depuis octobre 2023) sous la co-direction d’Antoine Roger (CED) et Ioana Cîrstocea (CESSP) : « Production, diffusion et circulations des idées féministes contemporaines. Les conditions de possibilité d’un intellectuel collectif féministe »

Résumé : Cette thèse prend pour objet les conditions de possibilité d’un intellectuel collectif féministe, entendu comme la mise en commun de savoir-faire, de ressources et de reconnaissances intellectuelles sur le genre, autrefois individuelles, dans un collectif qui se donne pour principe une intervention dans l’espace public au nom de sa spécificité.
Dans les années 1970, les études de genre s’inscrivaient dans la filiation des mouvements féministes. Au début des années 2000, la formation en études de genre devient l’une des matrices de l’engagement féministe. Cette inversion tendancielle des liens entre engagement et recherche invite à interroger l’évolution des conditions structurales de production des savoirs féministes/sur le genre. Pour avancer dans cette direction, je propose d’objectiver les luttes engagées dans le champ scientifique pour la définition de la « bonne » manière de faire de la recherche « en féministe ». Ce sont plus précisément les conceptions différentes des articulations entre engagement et recherche que j’entends mettre au jour, en les rapportant aux positions occupées par les chercheuses dans le champ. Alors que certaines défendent la liaison entre mouvement social et recherche, d’autres se posent plutôt en faveur d’un engagement par la recherche. Il s’agit alors de donner à voir les évolutions de ce rapport de force, qui est constitutif du champ des études de genre. Je formule l’hypothèse que l’autonomie de l’espace de production des recherches sur le genre à l’égard de l’espace des mouvements féministes ainsi que la forme que doivent prendre les liens entre activité scientifique et engagement constituent des enjeux de luttes permanents.
L’étude des conditions de possibilité d’un intellectuel collectif féministe implique également de considérer les dynamiques à l’œuvre dans d’autres espaces qui participent de la diffusion des savoirs féministes, en particulier les champs éditorial et médiatique. En effet, les maisons d’édition et les médias constituent des relais décisifs dans la diffusion des idées, leur conférant une visibilité publique. Ces espaces obéissent néanmoins à des logiques spécifiques pouvant entrer en tension avec les ambitions critiques ou transformatrices portées par certains savoirs féministes. Étudier les conditions structurales de possibilité d’existence d’un intellectuel collectif féministe suppose donc de prêter attention à la manière dont les enjeux et les hiérarchies propres à ces espaces conditionnent les possibilités de publication et de médiatisation des travaux féministes, et les profils d’autrices et d’intervenantes valorisées.