Andy Smith
Directeur de recherche en science politique à la Fondation Nationale des Sciences Politiques.
Il travaille au Centre Emile Durkheim à Sciences Po Bordeaux. Il a notamment publié (avec M. Ansaloni) L’expropriation de l’agriculture française. Pouvoirs et politiques dans le capitalisme contemporain (Les éditions du Croquant, 2021) et Made in France. Societal Structures and Political Work (Manchester University Press, 2021).
Agriculture et le double échec du libéralisme contemporain
Les actions de nombreux agriculteurs français au cours des dernières semaines, tout comme les réactions du Président de la République et son gouvernement, ne peuvent être comprises sans les contextualiser au prisme du double échec du libéralisme contemporain. Tout d’abord, cet échec est celui d’une idéologie qui, en conduisant à la libéralisation de la fixation des prix agricoles, a laissé les agriculteurs en prise directe avec des transformateurs et des distributeurs surpuissants. En retirant l’État des négociations asymétriques entre les responsables de ces trois professions, les promoteurs du libéralisme économique ont occulté les spécificités de la production agricole, ainsi que ce qu’elle peut rendre à la société sous la forme de la gestion de l’espace et des sols. Ensuite, cet abandon se double par un deuxième échec qui concerne la relation entre le libéralisme et la démocratie. En oubliant que cette dernière repose sur une représentation des intérêts pluralistes et le respect de la liberté de la parole, les « libéraux » actuellement au pouvoir n’ont cessé de renforcer un syndicalisme majoritaire tyrannique incapable ni de délibérer, ni d’accepter la moindre critique.