Magali Della Sudda
Chargée de recherches CNRS
Comment es-tu devenue chercheuse ?
Je suis devenue chercheuse en réussissant un concours. J'en ai passé près de deux-cents avant d'avoir deux postes la même année, quatre ans après ma soutenance : le concours de chargée de recherches au CNRS et celui de maîtresse de conférences à l'Université de Toulouse. J'ai choisi le premier et ai tranché – au terme d'un dilemme cornélien – en faveur du Centre Émile Durkheim.
Peux-tu nous parler de ton quotidien professionnel ?
Avant le confinement et la crise sanitaire, je faisais partie des personnels se rendant au laboratoire quotidiennement. Pour voir mes collègues – et je fais à chaque venue le tour des bureaux pour les saluer – et pour manger ensemble. Á cet égard, je regrette que les demandes formulées depuis dix ans d'accès pour tous les personnels à la cantine du CNRS n'aient jamais abouti. J'ai conservé l'ascétisme de mon rythme de thèse contraint par les archives et la maternité : rarement un café le matin et jamais de pause l'après midi. Je privilégie le travail de réflexion, lecture et écriture le matin, quand je suis plus productive. Je garde pour l'après‑midi le travail administratif, les courriels, les évaluations d'articles et d'ouvrages, relectures amicales, et réponses à appels à projet. Cette routine, c'est l'idéal : en réalité, les journées sont moins routinières. Cette année, entre 18 heures et 21 heures ou 22 heures, je suis également en séminaire avec mes collègues de Stanford*.
Quels sont tes objets de recherche ? sur quoi travailles-tu ?
En ce moment, mes projets de recherches s'organisent entre une recherche individuelle, que je développe à Stanford sur les "femmes de droites", et une recherche collective sur et auprès des Gilets jaunes dans le cadre du projet financé par l'Agence nationale de la Recherche ANR GILETSJAUNES. Et j'ai toujours un pied dans les archives vaticanes. C'est mon jardin secret.
*Magali Della Sudda est Visiting Scholar Center for Sdvanced Studiesin the Behavioral Science, Stanford (USA) pour l'année universitaire 2020-2021 mais à distance compte tenu de la situation sanitaire.
Quels sont tes projets pour l'avenir ?
Même si l'avenir immédiat est sombre et incertain, les mauvais jours finiront. J'aimerais rester encore quelques années au Centre Émile Durkheim, accompagner les jeunes que j'encadre en thèse, collaborer avec mes collègues ici et ailleurs. Peut‑être tenter à nouveau ma chance pour un séjour de recherche à l'étranger. Rester plusieurs mois sur un lieu de déplacement c'est aussi une manière de rendre acceptable les déplacements aériens que nous devons absolument limiter. La crise sanitaire aura peut‑être eu pour effet de nous permettre d'envisager d'autres types de rencontres avec nos collègues, de privilégier les journées de travail aux gros colloques, de réduire aussi la "pollution cognitive" en ne publiant ou ne communiquant que quand on a quelque chose de vraiment inédit à présenter. Cela me laisserait le temps de lire des sciences sociales mais aussi d'autres choses.
"J'aimerais rester encore quelques années au Centre Émile Durkheim, accompagner les jeunes que j'encadre en thèse, collaborer avec mes collègues ici et ailleurs.
Et en dehors de la recherche ?
Le rythme de travail laisse peu de place aux loisirs. Néanmoins, je suis très fière d'avoir initié et pris part à une mobilisation dans le domaine de la santé environnementale qui a abouti en 2018 à faire interdire les contenants en plastique pour chauffer, cuire et servir les repas dans les cantines, de la crèche à l'université au 1er janvier 2025. Quand je vois que la cafétéria de Sciences Po Bordeaux, qui a ouvert ses portes il y a quelques années fonctionne sur du jetable alors que les repas sont consommés sur place, je m'interroge toutefois sur la méconnaissance du cadre règlementaire et la faible prise en compte des questions environnementales dans le fonctionnement de la restauration collective universitaire. En revanche, la prise de conscience a progressé rapidement en quelques années : lors du dernier congrès de l'AFSP qui s'est tenu à Sciences Po Bordeaux (2019), les sacoches en plastique ont été remplacées par des gourdes en inox.