Cécile Vigour
Directrice de recherche CNRS au Centre Émile Durkheim
Comment es-tu devenue chercheuse ?
Après une classe préparatoire hypokhâgne et khâgne, j’ai intégré le département de sciences sociales de l’École Normale Supérieure de Cachan en 1997. Je m’y suis découvert une passion pour la recherche, par le fait de donner du sens aux processus sociaux et politiques. Au cours du master 1 de sociologie, nous devions rédiger un article pour valider un enseignement sur l’usage des archives en sciences sociales ; l’enseignant nous a fait part de commentaires à plusieurs reprises, sur le modèle de l’évaluation dans une revue ; cette dynamique d’analyse de matériaux empiriques, d’écriture et de maturation en plusieurs étapes m’a beaucoup intéressée ! L’allocation doctorale m’a permis de poursuivre dans l’enseignement supérieur et la recherche. Après avoir été monitrice et ATER à l’ENS de Cachan, à l’université Paris I-Sorbonne, puis à celle de Saint-Quentin-en-Yvelines, et un postdoctorat d’un an, j’ai intégré le CNRS en octobre 2008. Depuis, je suis rattachée au Centre Émile Durkheim.
Peux-tu nous parler de ton quotidien de chercheuse ?
Depuis 2008, je consacre l’essentiel de mon activité à la recherche : j’aime réaliser moi-même les enquêtes, l’analyse des données et rédiger, seule ou avec des collègues ; j’essaie de limiter le temps passé à rechercher des financements. En outre, j’anime depuis janvier 2012 l’atelier Écriture mensuel du Centre Émile Durkheim. J’assure des enseignements sur la comparaison dans les sciences sociales à partir du master, ainsi qu’en formation continue auprès des magistrats ou greffiers en France ou en Belgique. Depuis cette année, je participe aussi au tutorat auprès des master 2. J’apprécie d’encadrer étudiant·es et (post)doctorant·es.
Quels sont tes objets de recherche ? sur quoi travailles-tu ?
Un premier ensemble de mes recherches analyse les réformes et changements de l’institution judiciaire en Europe (Belgique, France, Italie, Pays-Bas). Le livre tiré de mon travail de thèse, paru en 2018, s’est inscrit dans une double perspective de politique comparée et de sociologie de l’action publique : je souhaitais comprendre pourquoi et comment la justice est réformée, ou non, en comparant les processus réformateurs entre pays, au cours du temps et selon leur objet : rapports au politique, politique pénale ou enracinement d’une logique gestionnaire. En décembre dernier, j’ai soutenu mon Habilitation à Diriger des Recherches, intitulée La justice à l’épreuve de la gestion publique. Dans une perspective de sociologie de l’action publique intégrant les apports de la sociologie des professions et de la sociologie des organisations, mon HDR met en perspective les transformations de la justice par rapport aux réformes globales de l’État.
Les parlements et les parlementaires constituent un deuxième objet de recherche : je me suis d’abord intéressée à la fabrique des politiques publiques et à leur participation à l’écriture des lois ; puis j’ai étudié la manière dont les parlementaires conçoivent la représentation, leurs rôles et valeurs.
Je m’efforce de croiser des méthodes qualitatives et quantitatives, et d’étudier les pratiques, expériences et les représentations tant des professionnels ou élus que des citoyens. Avec des collègues, nous rédigeons actuellement un livre sur la manière dont les citoyens se représentent la justice et en font l’expérience, à partir de données recueillies lors d’entretiens collectifs menés entre fin 2015 et juin 2017, et d’un questionnaire (2 350 répondants).
Peux-tu nous parler de ton quotidien de chercheuse ?
Comme j’aime expérimenter de nouvelles méthodes, j’envisage de mobiliser la sociologie visuelle (photographique notamment) dans l’une de mes prochaines recherches. Surtout, je souhaiterais séjourner un an en famille dans un centre de recherche à l’étranger.
"Comme j’aime expérimenter de nouvelles méthodes, j’envisage de mobiliser la sociologie visuelle dans l’une de mes prochaines recherches
Et en dehors de la recherche ?
Les voyages, le chant et la photographie me font vibrer… Je garde de magnifiques souvenirs de randonnées dans des déserts (Mauritanie, Algérie) ou dans l’Himalaya (Ladakh, Mustang).
Pour en savoir plus sur les recherches de Cécile Vigour, lire l'entretien récent qu'elle a donné à CNRS Le Journal : "La justice déçoit d’autant plus qu’elle a été idéalisée", entretien, CNRS Le Journal, 6 mars 2020.