Anthony Amicelle
Maître de conférences à Sciences Po Bordeaux et chercheur au Centre Emile Durkheim
Quel est ton parcours et comment es-tu devenu enseignant-chercheur ?
J’ai commencé ma formation universitaire à Rennes 2 en AES avant de la poursuivre à Rennes 1 en science politique où j’ai réalisé mon premier travail de recherche sur la question des paradis fiscaux, sous la supervision de Patrick Hassenteufel. J’ai ensuite intégré un Master recherche en Relations internationales à Sciences Po Paris et, sans que cela n’ait été envisagé ne serait-ce que 6 mois en amont, j’ai finalement eu l’opportunité de continuer en thèse, avec l’obtention d’une bourse doctorale. Cette thèse de doctorat a bien sûr été l’occasion de mener à bien une recherche personnelle d’une toute autre ampleur mais aussi de m’intégrer pour la première fois à un laboratoire, le CERI, avec des collaborations qui perdurent jusqu’à aujourd’hui, de me familiariser à l’enseignement, notamment en tant qu’ATER à Sciences Po Lille, et de participer à des projets de recherche collectifs, à l’échelle européenne et transatlantique. Impulsé et encouragé par Didier Bigo, mon directeur de thèse avec qui j’avais déjà effectué mon mémoire de Master 2, ce début d’internationalisation a marqué la suite de mon parcours.
En effet, après avoir soutenu ma thèse il y a maintenant 10 ans, je suis parti en Norvège dès 2012 en tant que chercheur au Peace Research Institute Oslo, avant d’aller au Canada en 2013, cette fois-ci comme professeur à l’Université de Montréal, et ce jusqu’à mon retour en France l’année passée, à Sciences Po Bordeaux et au Centre Émile Durkheim.
D’un autre côté, je suis engagé dans plusieurs revues académiques, comme membre des comités de rédaction de Cultures & Conflits et de Political Anthropological Research on International Social Sciences, et surtout comme rédacteur en chef de la revue bilingue Champ Pénal/Penal Field avec Carla Nagels, professeure à l’Université Libre de Bruxelles.
Quels sont tes objets de recherche ? Sur quoi travailles-tu ?
Mes recherches s’inscrivent principalement dans une réflexion d’ensemble sur les formes d’articulation et les points de tension entre économie et sécurité. Dans un contexte national et international marqué par la répétition des scandales financiers, d’évasion fiscale et de corruption, ainsi que par la prégnance des enjeux de crime organisé et de terrorisme, de son financement et du blanchiment de capitaux en général, mes travaux ont notamment porté sur la fabrique des politiques contre la "finance illicite". Cette réflexion d’ensemble et cette focale empirique m’a amené à développer des recherches, principalement par entretiens et par observations, sur les transformations contemporaines du policing et de l’ordre social. J’ai ainsi étudié la production in concreto d’une action publique allant "au-delà de l’État" et de ses traditionnelles forces de police, fondée sur des opérations quotidiennes de surveillance confiée par force de loi à des acteurs économiques et financiers, à commencer par les banques, et ciblant officiellement tous les phénomènes et acteurs sociaux associés à de "l’argent sale", de la criminalité ordinaire à la criminalité en col blanc, des petits escrocs aux élites délinquantes.
"Mon quotidien professionnel est rythmé par une série de responsabilités diverses et connexes à l'enseignement et la recherche.
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Dans l’immédiat, je suis engagé dans deux projets de recherche collectifs portant sur les nouvelles formes de contrôle des mobilités transnationales – des personnes, des marchandises, des capitaux et des informations – à l’heure des big data. Dans une perspective de sociologie des scandales financiers internationaux, nous menons également, avec un collègue historien, une étude comparée des révélations médiatiques ayant rythmé ces dix dernières années, des Swiss Leaks aux récents Pandora Papers, avec une attention particulière aux réactions sociales et politiques qu’elles ont suscitées. Enfin, je viens d’obtenir un financement de la Mission de recherche Droit & Justice dans le cadre d’un projet qui débutera dans les prochains mois et qui est intitulé : Vigilance citoyenne et intelligence artificielle : surveiller la délinquance économique et financière au 21e siècle – perspective transatlantique. En prenant pour objet d’étude la normalisation en Europe et en Amérique de Nord des programmes de dénonciation et de détection algorithmique en matière de fraude fiscale et de délits boursiers, il s’agit plus largement de questionner la montée en puissance concomitante de dispositifs de contrôle social que l’on retrouve aujourd’hui dans de nombreux domaines d’action publique, des politiques sociales aux politiques migratoires en passant par celles de sécurité nationale et internationale.
Peux-tu nous parler de ton quotidien d'enseignant-chercheur ?
En dehors des activités d’enseignement et de recherche à proprement parler, et qui occupent par définition la majeure partie de mon temps, mon quotidien professionnel est rythmé par une série de responsabilités diverses et connexes à l’enseignement et la recherche. D’un côté, je suis désormais investi dans la coordination du Master BIRD (Bordeaux International Relations Degree), en transition avec Dario Battistella qui a fondé et géré ce parcours pendant plusieurs années, et j’encadre nombre de mémoires de recherche estudiantins à l’IEP, de la 3e à la 5e année, tout en continuant à diriger 5 thèses de doctorat en tant que professeur associé à l’Université de Montréal.
Et en dehors de la recherche ?
Plein de choses !
Voir aussi la Rencontre avec Anthony Amicelle, co-auteur avec Rémi Boivin, Benoît Dupont, Francis Fortin, Samuel Tanner : L'avenir du travail policier, Les Presses de l'Université de Montréal, 2021.