Gilles Pinson

Professeur de science politique, enseignant à Sciences Po Bordeaux où il dirige le master « Stratégies et Gouvernances Métropolitaines », et chercheur au Centre Emile Durkheim. Ses travaux portent sur la et les politique(s) urbaine(s), sur la gouvernance urbaine et métropolitaine et sur les transformations des rapports entre États et villes. 

Gilles Pinson

Professeur de science politique et chercheur au Centre Émile Durkheim

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis professeur de science politique à Sciences Po Bordeaux depuis 2013. Je m’y occupe du master « Stratégies et Gouvernances Métropolitaines » que j’ai créé à la demande de l’ancien directeur, Vincent Hoffmann-Martinot qui m’a fait venir à Bordeaux. C’est aussi Vincent qui m’a demandé de créer le Forum Urbain, une structure originale de valorisation de la recherche urbaine et d’interface science-société qui a fonctionné entre 2015 et 2021 avant de s’arrêter faute d’un soutien franc des établissements, au grand regret de nos partenaires « praticiens ». Toutefois, le Forum devrait renaître incessamment sous la houlette de Guillaume Pouyanne, économiste à l’Université de Bordeaux, ce dont je me réjouis bien évidemment. Plus conjoncturellement, je suis cette année en délégation CNRS et professeur invité à l’Università del Salento, à Lecce, dans les Pouilles, dans le Sud italien profond.

Quel est ton parcours et comment es-tu devenue enseignant-chercheur ?

J’ai grandi à Nantes avant de monter à la capitale pour faire Sciences Po. J’ai enchaîné par un DESS (l’ancêtre du master pro) en urbanisme, toujours à Sciences Po. Ma première expérience professionnelle a été dans la Politique de la Ville dans les quartiers Nord de Marseille (plus précisément à la Castellane, là où un certain Zinedine Zidane a grandi). L’expérience fut riche mais elle m’a aussi permis de réaliser que j’avais besoin d’être nourri intellectuellement. J’ai donc décidé de faire le DEA (l’ancêtre du master recherche) « Action publique et Territoires en Europe », fraîchement créé à l’IEP de Rennes et dans lequel enseignaient les valeurs montantes de la science politique de l’époque : Patrick Le Galès, Patrick Hassenteufel et un certain Andy Smith. J’y ai aussi côtoyé l’actuelle maire de Rennes, Nathalie Appéré et celles et ceux qui sont devenus des collègues et amis : Thomas Frinault, Valérie Sala Pala ou Olivier Baisnée. J’ai enchainé par une thèse sur la démarche de projet dans les politiques urbaines -thématique que m’avait inspiré mon expérience dans la Politique de la Ville où la notion était omniprésente- sous la direction de Patrick Le Galès et Joseph Fontaine. J’ai travaillé sur Marseille, Nantes, Venise et Turin. Ensuite, après un année de post-doc Marie Curie à l’Université de Salford près de Manchester, j’ai eu mon premier poste à la fac de droit de l’Université de Saint-Étienne. Sur le plan pédagogique, ce fut très formateur et j’ai gardé de nombreux amis à « Saint-É ». En 2009, j’ai passé l’agrégation et choisi un poste à l’IEP de Lyon où je suis resté 4 ans.

Peux-tu nous parler de tes recherches ?

Je dois avouer être un monomaniaque des questions de politique urbaine et d’aménagement du territoire. C’était très à la mode à la fin des années 1990 dans le sillage de la décentralisation et quand la notion d’ « Europe des Régions » faisait florès ; beaucoup moins aujourd’hui, mais je reste fidèle à ce domaine qui me passionne. De mes études d’urbanisme me reste cet intérêt profond pour les différences dans les formes urbaines, dans les organisations territoriales et les rapports entre niveau de gouvernement. La fréquentation de l’Italie où la question territoriale est omniprésente a entretenu cette flamme. Je viens de terminer des recherches sur la politisation de la gouvernance métropolitaine, sur les politiques urbaines du numérique (avec Andy Smith et Manon Laugaa) et sur le poids des intercommunalités dans la régulation des marchés du logement (dans le cadre d’une équipe coordonné par Valérie Sala Pala). A Lecce, j’ai commencé une recherche sur les transformations de la rente urbaine dans une ville soumise à la fois à la déprise démographique et à la touristification avec mon collègue sociologue Angelo Salento. Avec ce dernier et Deborah Galimberti, nous nous sommes aussi lancés dans la rédaction d’un livre de synthèse sur la sociologie de l’Italie méridionale.

Peux-tu nous parler de ton quotidien en Italie et en France  ?

Le transfert de ma petite famille à Lecce a passablement bouleversé notre quotidien. La sous-dotation budgétaire du système scolaire dans le Mezzogiorno fait que l’école se termine à 14 :00 et qu’il n’y a ni cantine ni périscolaire public. Les locaux se débrouillent en sollicitant les grands parents ou en renonçant au travail des femmes. Nous aussi il a fallu nous organiser. Bref, je bosse dur de 8 :00 à 14 :00, moment que j’essaie de consacrer à l’écriture, et le reste de la journée est un peu plus chaotique, entre aide aux devoirs (en italien), activités domestiques et poursuite de mon travail. Mais un petit système d’entraide très efficace entre parents permet de nous soulager parfois. Il faut s’adapter mais c’est très instructif sur la situation du Sud Italien confronté à ce qu’un collègue de Bari, Gianfranco Viesti, appelle l’ « austérité asymétrique ». Les régions méridionales paient un plus lourd tribut à l’austérité budgétaire avec des effets palpables sur le quotidien et les Lebenschancen des habitants.   

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Dans l’immédiat, il me faut reprendre un service d’enseignement complet après la pause délégation, la direction du master SGM à temps plein (en remerciant Manon Laugaa et Antonio Gonzalez pour leur aide précieuse dans la codirection pendant cette période intérimaire). Pour la suite, j’aimerais revenir le plus vite possible dans le Salento pour poursuivre la recherche sur la rente urbaine et finir le livre sur le Mezzogiorno. Et à plus long terme, j’aimerais me lancer dans l’écriture d’un livre en anglais sur la gouvernance des villes françaises. Et puis, il y a deux projets qui me trainent dans la tête depuis longtemps : faire une enquête sur le Made in Vendée car on le sait peu mais il y a là un cas de développement économique sans grande entreprise, sans politique de l’Etat et sans métropole que j’aimerais comprendre et faire connaître. Et à la retraite, pourquoi pas travailler sur la naissance et la mort d’une institution : le Football Club de Nantes.

Et en dehors de la recherche ?

Je suis passionné par le cinéma norvégien des années 1930. Non je déconne, j’ai en fait des occupations assez banales : un peu d’exercice physique (mais pas trop), de lectures, de cinéma, réécouter toujours les mêmes disques (Led Zeppelin II, le live d’Alan Stivell à l’Olympia en 1972, grande année !, et Midnight Marauders de Tribe Called Quest) bref rien que de très banal. J’ai beaucoup d’intérêt pour l’Italie et notamment sa civilisation urbaine, bien sûr mais ça aussi c’est assez banal… Sinon, je ne sais pas si c’est dicible, mais j’aime bien rien faire…


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Propos recueillis le 26 mai 2023.

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Publié le 2 juin 2023
Dernière modification le 12 juin 2023