Le « moment » Parcoursup. « Double-enquête » sur l’orientation post-bac
Jury :
- Joël Zaffran (directeur)
- Annabelle Allouch (rapportrice),
- David Mélo (rapporteur),
- Philippe Vitale (examinateur),
- Jean-François Giret (examinateur),
- Estèle Jouisson-Laffitte (examinatrice).
Résumé : En France, les ratés successifs de la procédure Admission Post-Bac (APB) qui organisait depuis 2009 l’accès aux études supérieures conduiront en 2018 à une réforme « Orientation et réussite des étudiants (ORE) » donnant lieu à une nouvelle application web chargée d'accueillir et gérer les vœux des bacheliers : Parcoursup. D'un côté, elle vise à mettre en avant le mérite en supprimant le tirage au sort. De l’autre, elle répond à des diagnostics sur une université française en perte de vitesse et vise à lui donner un nouveau souffle en lui rendant les clefs de son recrutement. Dans un contexte de massification scolaire et d’emprise du diplôme, les lycéennes et lycéens se trouvent en concurrence pour l’accès aux études supérieures et doivent se montrer stratèges. Ce travail s’adosse à une « double-enquête » qui repose sur une méthodologie combinant des entretiens semi-directifs avec les responsables des commissions, des observations non-participantes des commissions, une analyse secondaire des données statistiques en libre-accès, mais surtout un suivi qualitatif d’une cohorte de 27 candidats en amont, au cœur et en aval de la procédure et des périodes d’attente à laquelle oblige la procédure. Le terrain est la région Nouvelle-Aquitaine dans laquelle des établissements scolaires ont été sélectionnés selon des critères de représentativité (filières, recrutement social, territoires). La thèse assimile Parcoursup à un « moment », soit une temporalité cruciale dans laquelle se joue l’épreuve de l’orientation pour les lycéens. Elle se décline en une dimension temporelle, mais également morale : elle génère un sentiment d'injustice chez les candidats et leurs familles, qui en subissent les conséquences émotionnelles. Parcoursup est un moment où les sélectionneurs et les sélectionnés, sont confrontés à des instants qui remettent en question leur estime de soi ainsi que les principes de justice (mérite et égalité). L’application de la réforme ORE s’opérationnalise localement de manières très éclectiques suivant des logiques très contextualisées d’une CEV à l’autre, ce qui donne à voir une confusion dans la manière dont le verdict va être reçu par les candidats. Par-delà l’apparente individualisation du rapport à la plateforme, l’attente et le verdict de Parcoursup présentent une dimension sociale, et les stratégies des candidats s’inscrivent dans des contextes de compétition et requièrent des ressources émotionnelles.