Gouverner l’agriculture ultramarine : une économie politique de l’agro-industrie canne-sucre-rhum des départements français d’outre-mer
Thèse de science politique dirigée par Andy Smith (directreur de recherche FNSP, Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux)

Composition du jury :
● Patrick Hassenteufel (Université Versailles St-Quentin-en-Yvelines, rapporteur)
● Marie Hrabanski (CIRAD Montpellier, rapporteure)
● Pascale Trompette (Université Grenoble Alpes, examinateure)
● Willy Beauvallet (Université Lumière Lyon-2, examinateur)
● Antoine Roger (Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux, examinateur)
Résumé : L’objet de cette thèse est l’étude du gouvernement politique et économique des départements
français d’outre-mer. Dans une perspective analytique se plaçant au niveau méso-économique d’une
filière agro-industrielle, les mécanismes politiques déterminant le gouvernement multi-échelle de
trois territoires « ultrapériphériques » intégrés à l’Union européenne (la Martinique, la Guadeloupe
et la Réunion) sont révélés à partir de l’examen des politiques de financement et de régulation de
leur agro-industrie « canne-sucre-rhum ». Cette dernière est souvent présentée comme un secteur
« non rentable », du fait d’un déficit de compétitivité impossible à combler dans l’économie
globalisée. Pourtant, les financements nationaux et européens à destination de cette filière intégrée
au marché communautaire sont constamment reconduits par les pouvoirs publics. Comment
expliquer la reproduction d’une telle politique agro-industrielle dans l’économie politique européenne
? A partir d’une sociologie politique attentive aux jeux d’acteurs multi-échelles, la thèse met en
lumière l’existence d’une alliance objective entre élites administratives, économiques, et politiques –
qualifiée d’élite programmatique – comme le principal facteur explicatif de la reproduction des
instruments de régulation agro-industrielle. En s’appuyant sur une enquête sociologique multisituée, une recherche sur archives, et des méthodes qualitatives, la thèse retrace et met au jour le
travail politique discursif et relationnel de cette alliance élitaire dans l’institutionnalisation et la reproduction des instruments de financement et de régulation de l’agro-industrie canne-sucre-rhum
des DOM. La première partie caractérise d’abord les processus bureaucratiques de gouvernance de
l’agriculture ultramarine, à la fois à l’échelle de l’Etat central et à l’échelle de l’Union européenne. La
deuxième partie analyse ensuite de manière comparative les jeux d’acteurs territoriaux sur lesquels
reposent les compromis productifs postcoloniaux, avant de documenter le travail politique déployé
par l’élite programmatique dans la défense des débouchés agro-industriels à l’échelle européenne.
Enfin, la troisième partie de la thèse évalue les effets de deux nouveaux objectifs de politiques
publiques contemporains sur la politique agricole ultramarine : la transition agroécologique et
l’autonomie alimentaire. Ainsi, à partir d’une étude sectorielle du gouvernement des DOM, la thèse
contribue à la fois à la sociologie de l’Etat français et à la sociologie de l’Union européenne, en
nourrissant les débats théoriques sur les alliances élitaires public-privée et la production des
politiques économiques. Elle alimente également les réflexions sur les déterminants institutionnels
de l’économie politique territoriale et communautaire, en insistant sur leurs dimensions
relationnelles et cognitives.