Economie et environnement
une autre histoire de la pensée économique
Antoine Missemer et Arnaud Orain
Antoine Missemer présentera son livre A History of Ecological Economic Thought (co-écrit avec Marco P. Vianna Franco, Routledge, 2023)
Antoine Missemer est économiste, chargé de recherche au CNRS, membre du CIRED (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, UMR 8568). Ses travaux portent principalement sur l’histoire de l’économie de l’environnement, de l’énergie et des ressources naturelles, en faisant dialoguer enjeux d’hier et d’aujourd’hui sur les questions de transition énergétique et de développement durable.
Arnaud Orain présentera son livre Les savoirs perdus de l’économie. Contribution à l’équilibre du vivant (Gallimard, 2023)
Arnaud Orain est directeur d’études à l’EHESS et chercheur au Centre de Recherches Historiques (CRH-UMR CNRS 8558). Ses travaux de recherches portent sur l'économie politique des Lumières, sur l’histoire de la pensée économique (XVIe-XVIIIe siècle) et sur l’histoire environnementale.
Modérateur :
Tristan Velardo (Centre Émile Durkheim, IEP de Bordeaux)
Présentation :
L’histoire de l’économie de l’environnement, à savoir l’histoire de l’intégration des préoccupations environnementales au sein de la discipline économique, est assez bien balisée. Pour ne citer que quelques épisodes, elle inclut habituellement le primat agricole des Physiocrates, la question charbonnière de Jevons, les externalités de Marshall et de Pigou, le modèle de Hotelling, le théorème de Coase, la tragédie des communs de Hardin, jusqu'au modèle DICE de Nordhaus. Antoine Missemer dans A History of Ecological Economic Thought (co-écrit avec Marco P. Vianna Franco, Routledge, 2023) et Arnaud Orain dans Les savoirs perdus de l’économie. Contribution à l’équilibre du vivant (Gallimard, 2023) proposent une tout autre histoire des rapports entre la discipline économique et les préoccupations environnementales.
Antoine Missemer montre comment, de la Renaissance au milieu du XXe siècle au moins, beaucoup d’autres économistes, naturalistes et théoriciens sociaux ont examiné les relations entre dynamiques économiques et naturelles, en formulant des propositions pour beaucoup tombées dans l’oubli. Ces idées, incluant l’économie de la nature de Linné, la philosophie naturelle de Goethe, le réformisme sanitaire français et britannique du XIXe siècle, l’écologie russe et soviétique, la théorie duale de Popper-Lynkeus ou encore l’économie foncière américaine des années 1920 et 1930, méritent d’être réhabilitées à l’heure où chacun(e) cherche des solutions à la crise écologique contemporaine.
Arnaud Orain montre comment le triomphe de l’économie politique au XVIIIe siècle a occulté d'autres approches très différentes qui définissent l'économie comme la relation entre le milieu et les espèces : la « science du commerce » et la « physique œconomique ». La science du commerce rejette toute connaissance produite dans le cabinet du philosophe et insiste sur les savoirs vernaculaires des artisans, fermiers, marchands et grands négociants. Pour tirer le parti maximum d'un déterminisme naturel donné - un « climat », ce que nous appellerions aujourd'hui un écosystème ou un milieu -, elle accumule les observations sur la géographie, les sols, les forêts, les végétaux, les animaux, les infrastructures et la marine. La « physique œconomique » est une physique appliquée au monde naturel, lui-même pensé comme un organisme autorégulé à l'intérieur de chaque climat. Par la connaissance des propriétés des végétaux et des animaux autochtones et par l'acclimatation de plantes venues d'ailleurs, l'être humain transforme ses milieux pour mieux satisfaire ses besoins et vivre en harmonie avec les autres espèces.
Les deux auteurs proposent ainsi d’explorer des corpus nouveaux, tantôt périphériques, tantôt oubliés, souvent pluridisciplinaires, qui donnent à voir une autre histoire des rapports entre économie et environnement à l'heure où la question du climat, du productivisme agricole, de l'épuisement des sols et de l'effondrement de nombreuses populations animales conduit à l'élaboration de nouveaux savoirs du vivant et de ses interdépendances.